Paris Match — Marseille – au MaMo, Ora-ïto et Daniel Arsham rendent hommage à Le Corbusier

Presse, Juillet 2022
Photos © Stéphane Aboudaram | We Are Content(s)

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Cet été à Marseille, le designer Ora-ïto invite au MaMo l’artiste new-yorkais Daniel Arsham, grand fan de Le Corbusier.

Par Karelle Fitoussi

Des sneakers Air Jordan customisées à l’effigie du Modulor cher à Le Corbusier, un terrain de basket sorti tout droit d’un teen movie américain. À première vue, difficile de croire que nous sommes à Marseille, au sommet de la Cité radieuse, le projet architectural et social commandé après guerre par le ministre de la Reconstruction et de l’Urbanisme et classé monument historique en 1986. Sur le toit-terrasse reconverti en musée à ciel ouvert par Ora-ïto et baptisé MaMo (pour Marseille et Modulor), une DeLorean en bronze, échappée du film «Retour vers le futur », confirme le trouble spatio-temporel, à quelques enjambées de statues antiques… De quoi en tout cas faire grincer les dents des puristes…

Le maître des lieux, Ora-ïto , jubile comme un enfant en exhibant les vidéos de la grue survolant le stade Vélodrome qu’il a fallu réquisitionner la veille pour hisser la monumentale installation… «Quand j’ai acheté ce toit-terrasse en 2010, j’avais l’envie d’en faire un centre expérimental, un espace nouveau qui puisse conjuguer architecture iconique et arts. Pas un musée avec des murs blancs parfaits et un éclairage muséal. »

Après Xavier Veilhan, Daniel Buren, Dan Graham, Felice Varini, Jean-Pierre Raynaud, Olivier Mosset, Alex Israel ou le street artist Invader, c’est donc « l’architecte du futur », le New-Yorkais et nouveau prince de la hype Daniel Arsham qui s’est emparé des lieux pour y projeter ses obsessions à l’occasion des 70 ans du village vertical. «La culture, le sport, le temps… J’imagine des objets que j’ai envie de voir exister, justifie le quadra au 1,2 million d’abonnés sur Instagram. Ces baskets, j’y pense depuis quatre ou cinq ans déjà. Car ce modèle, c’est le premier pour lequel j’ai économisé mon argent de poche. C’était en 1993, j’avais 12 ans. » Même génération et même madeleine, Ora-ïto renchérit: «Moi aussi! Elles étaient blanc et bordeaux! Je les ai achetées à Boston, lors de ma première colo aux États-Unis. C’est là que j’ai découvert toute la culture du basket! »

Le designer poursuit: «À la création du MaMo, j’ai jeté vingt noms sur le papier, et Daniel faisait déjà partie de ma liste. Mais j’ai d’abord invité des artistes que j’appelle des “papas Noël”, parce qu’ils avaient tous 80 ans, la barbe blanche et l’expérience du terrain. Et le MaMo est une arène d’une puissance folle qu’il faut savoir dompter. »

Assemblée de copropriétaires qui veille au grain, épidémie de Covid et même agressivité du mistral et des embruns… Daniel Arsham a dû braver quelques vents contraires depuis sa rencontre avec Ora-ïto lors de la carte blanche à Daniel Buren, en 2014… «Nous avons été présentés par un ami commun et quand je lui ai offert d’exposer ici, il m’a tout de suite répondu : “OK, quand?” Je lui ai dit: “Demain!” Ça lui aura finalement pris huit ans…»

Entre-temps, Arsham, contraint d’abandonner son projet initial pour des questions de sécurité, change son fusil d’épaule et imagine deux espaces, extérieur et intérieur. Ainsi investit-il le gymnase situé sur le toit-terrasse pour lui redonner sa fonction première… «Après les confinements, j’ai refait des recherches sur le bâtiment. J’ai retrouvé de vieilles photos et découvert que, dans les années 1950, c’était un terrain de basket!Or le basket tient une grande place dans mon univers. J’ai eu envie de réinterpréter ce terrain d’époque, en tenant compte des dessins originaux de Le Corbusier, de sa palette de couleurs et de ses motifs. »

Ici le néo-panier fait donc ouvertement référence à «La main ouverte» du maestro, le terrain reprend le graphisme du diagramme des 24 heures solaires où l’astre a été remplacé par le logo du Jumpman de Michael Jordan. « Il y a quelques années, c’était très mal vu par la profession de combiner l’architecture, le design, les arts graphiques, résume Ora-ïto. Pourquoi mettre les artistes dans des cases ? Pourquoi ne pas lancer une ligne de vêtements, comme le fait Daniel aujourd’hui? La création ne devrait pas se limiter à un seul médium. »

« Le Modulor du basketball » de Daniel Arsham, au MaMo, 280, boulevard Michelet, Marseille VIIIe , jusqu’au 25septembre.