Presse, Août 2021
© Zevs 2021, courtesy of the artist, photo/ Benoit Pailley
Cette exposition personnelle Oïkos Logos qui alerte sur la dérive de l’humanité dans un monde qui suffoque, est présentée par Ora Ito et le MAMO, et s’étend jusque sur le toit de la Cité radieuse à Marseille. Ici, il réunit un ensemble de trois séries de peintures, ainsi que trois sculptures.
De la racine grecque Oïkos (maison) et Logos (science, connaissance), l’exposition de Aguirre Schwartz aka Zevs est articulée autour de la question de l’écologie ; proposant une réflexion sur les relations entre l’humain, ses activités et son environnement. A la fois théâtral, intrépide, insolent et engagé, Zevs approfondit sa pensée, et développe son œuvre au long cours, avec des pièces et expériences osées, provocantes et parfois gigantesques. Ici, il invite à l’introspection sur nos modes de vie et questionne les travers d’une société consumériste de manière cynique et décalée et continue de réveiller les consciences sur notre société de consommation.
Zevs réalise un polyptique à 7 volets et retrace selon l’expert climatique Richard Heede l’évolution des gaz à effets de serre depuis les années 50. Se référant aux sept jours de la Genèse qui permirent la création du monde, ces œuvres racontent ces sept dernières décennies qui semblent en annoncer la destruction, reprenant l’éternelle menace de l’apocalypse que l’Histoire nous brandit pour mieux nous construire, puis nous asservir… A l’aide de son extincteur branché sur le tuyau d’échappement d’une voiture des années 70, il dessine d’abord les cieux au dioxyde de carbone, ces cieux où vont s’affronter des compagnies flamboyantes sur le podium d’un Olympe voilé, semblable aux paysages urbains des centres financiers.
Ces peintures se lisent comme un retable, retraçant en une forme graphique l’historique d’une pollution croissante… Les logos liquéfiés des grandes compagnies pétrolières, énergétiques sont réalisés à l’encre noir, peintures métallisées. Au fil des panneaux se voile une brume qui s’opacifie pour s’obscurcir au cours du temps, des toiles. Mais dans ces ténèbres, les sigles des compagnies n’en miroitent que davantage. Si Aguirre Schwartz vient à nouveau liquider leurs logos, c’est pour en rendre plus évidentes les traces de leur triomphe énergivore et destructeur.
Evolution Series
Evolution Series est une composition de huit toiles réalisées d’après les œuvres de David Hockney, A Bigger Splash, (1967) et de Claude Monet, Nymphéas, (1914-26), 2021
Ici, démultipliée en huit toiles, une même villa californienne affiche les signes extérieurs de richesse et modernité, surplombant une vaste piscine. Une représentation du rêve américain, préfabriqué, où cette Case Study House participe d’un environnement et d’une économie dépendant de l’automobile et de son carburant bon marché. S’inspirant de l’ impressionniste Claude Monet et du peintre pop californien David Hockney, Zevs nous invite à réfléchir à la place de l’Homme dans la Nature et à son rôle dé-régulateur dans la surexploitation des ressources de la planète. Entre métaphore de la croissance et parabole métaphysique, l’artiste convoque « l’équation du nénuphar » dont la reproduction exponentielle cause son propre anéantissement.
Les nénuphars dans la piscine, symbolisent le paradoxe de cette plante aquatique qui a la capacité à produire des fleurs d’une extrême pureté au milieu d’une eau stagnante, croupie, voire polluée. Diffusant un message à double sens qui évoque une prolifération mortifère, d’épuisement des ressources, de suicide collectif mais aussi de transformation, de purification, de sublimation… C’est ce que j’aime dans ce travail de Zevs, ceci me remémore aussi les épîtres de Horace, au cours du dernier demi-siècle avant Jésus-Christ, et OVH un groupe punk français des années 80 « Chassez le naturel, il revient au galop, le naturel c’est le chaos ! »… Quant à la place de l’homme dans tout ça, on peut surement la relier dans l’œuvre suivante « Manpower »…
Manpower, 2021
L’homme comme mesure de l’univers ? Relier le site de l’exposition à Le Corbusier parait comme une évidence au MAMO de Marseille, ville phare ou « Le Corbu » à érigé sa Cité Radieuse, site de l’exposition. Lorsque l’éminent architecte crée son Modulor, un module de calcul, d’apparence humaine, basé sur le nombre d’or, l’organique rejoint l’arithmétique. Le principe n’est pas nouveau, Vitruve avait déjà théorisé dans son traité d’architecture au Ier siècle avant JC. L’Homme-étalon aux proportions idéales tenait à la fois dans un cercle et un carré, selon la position de ces membres en X ou en croix. On se souvient évidemment des mêmes théories dans les dessins de Leonard De Vinci. Si Le Corbusier libère son Modulor des schémas géométriques, il l’ancre dans les suites algébriques de Fibonacci pour mieux le définir par rapport au nombre d’or. A cet homme standard, sans personnalité ni affect, Zevs apporte une dimension prométhéenne, qui a encore foi dans l’homme.
Le tube de néon que son personnage brandit représente le feu sacré de l’Olympe que le Titan a volé aux dieux pour le donner aux hommes. L’artiste espiègle accorde à l’Homme la foudre de Zeus, auquel il a déjà ravi son patronyme. Pourtant lorsque l’artiste reprend cette phrase de Nietzshe au tout début du catalogue de l’exposition « Tout individu collabore à l’ensemble de l’univers », funambules on marche sur le fil d’une ambivalence absolue où toutes les imperfections de l’homme nous sautent alors à la figure.
Le Meilleur Pour La Fin
Plus tout à fait ronde, la Terre s’affaisse à ses pôles sous l’effet du réchauffement climatique. La calotte glaciaire a fondu, laissant une béance au fond de laquelle luit une flamme, obtenue de la combustion du gaz de ses entrailles, libéré par l’homme. Cette précision du rendu anatomique de la planète lui a été révélée par l’œil panoptique de la NASA dont le regard omniscient numérise la morphologie de la Terre avec une perfection infinie. La suite de chiffres sous le globe est une série de code qui diffuse un message secret que quelques férus codeurs pourront tenter de chiffrer bien qu’une partie demeure cachée sous le poids de la Planète faite de céramique à haute combustion.
Paratonnerre / Labitation 2021
Au premier jour « Dieu créa la lumière » ; en 1752, l’homme en dompta l’éclair…. Suivant les principes de Benjamin Franklin, Zevs crée ici son propre paratonnerre. Parfaitement fonctionnel et esthétique, ce paratonnerre comme ces images le relatent tient son rôle face au déchainement des éléments.
NFT Store
Le NFT store, est une œuvre dissimulée dans l’exposition c’est une boutique, comme celle qu’on trouve à la sortie des musées… NFT store donne un coup de pied dans cette nouvelle pratique artistique et reprend les diverses œuvres qui ont marqué le cours du travail plastique de Zevs. Elles ne sont pas déposées sur la Blockchain mais ici, l’artiste transfère les logos de grandes marques qu’il a liquéfiées et réalise une série d’objets dérivés, t-shirts, casquettes, cartes postales de fabrication française, noble et durable à prix très abordables, un avantage pour les jeunes collectionneurs et aficionados de son travail…
Pour info www.mamo.fr – Instagram @mamo.nftsore
L’exposition est ouverte jusqu’au 19 septembre, journées du Patrimoine, au MAMO , Centre d’art de la Cité Radieuse, 280 Bd Michelet, 13008 Marseille.
Par Géraldine Postel