Presse, Juillet 2017
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À une soixantaine de mètres du sol, le mistral secoue le haut de la Cité radieuse. Comme chaque été depuis cinq ans, un artiste contemporain s'empare du Musée d'art moderne de Marseille (MaMo). Cette année, le plasticien Jean Pierre Raynaud y fait souffler un vent nouveau avec l'exposition «Ici», dont Longchamp est mécène.
À une soixantaine de mètres du sol, le mistral secoue le haut de la Cité radieuse. Comme chaque été depuis cinq ans, un artiste contemporain s’empare du Musée d’art moderne de Marseille (MaMo). Cette année, le plasticien Jean Pierre Raynaud y fait souffler un vent nouveau avec l’exposition «Ici», dont Longchamp est mécène.
Le célèbre immeuble marseillais de Le Corbusier a été construit au milieu du XXe siècle sous la forme d’un “village vertical” avec logements, commerces et crèche. Le gymnase a été transformé en centre d’art par le designer français Ora Ito en 2013. Après Xavier Veilhan, Daniel Buren, Dan Graham et Felice Varini, Jean Pierre Raynaud, 78 ans, occupe l’espace avec une seule œuvre, estimant que “ce lieu se suffit à lui-même”.
Une flèche noire de 17 mètres de long en acier Corten est posée à l’horizontale sur la terrasse. « Cette flèche n’a pas été faite pour vous, désolé, mais pour les oiseaux », s’amuse l’artiste. L’œuvre est surélevée de six centimètres « pour ne pas toucher la matière de Le Corbusier et ne pas créer une confrontation entre l’architecte et l’artiste ». Monumentale, elle montre la direction de la rétrospective consacrée dans le gymnase voisin à l’artiste. Celui-ci, Grand Prix de sculpture de la Ville de Paris en 1986, est notamment connu pour ses créations autour de pots de fleurs emplis de ciment et de sens interdits.
Au milieu de l’exposition, de massives statues en carrelage interpellent le visiteur. « C’est vous, c’est moi… Ces autoportraits sont à la fois une présence et une absence, c’est une simplification à l’extrême. » Derrière, quatre-vingt-dix containers chirurgicaux accueillent des kilos de débris, souvenirs de la plus majestueuse œuvre de Jean Pierre Raynaud. En 1969, il avait décidé de construire sa propre maison carrelée de céramique blanche à La Celle-Saint-Cloud, dans les Yvelines.
Au fil des années, il la transforme. « J’avais du mal à construire une histoire avec quelqu’un, alors j’ai créé ce que la vie ne m’offrait pas », explique-t-il. Jusqu’au jour où « la beauté du palais de (ses) rêves atteint son paroxysme. » Il commet alors un crime passionnel : « L’État voulait classer ma maison, j’ai préféré la pulvériser en 1993. Elle existe toujours dans ma tête et celles des témoins (le film La Maison de Jean Pierre Raynaud, de Michelle Porte, relate l’événement, NDLR). Je n’avais plus rien mais je me suis senti libre : j’avais réalisé mon rêve. À 55 ans, je partais vers d’autres aventures. » Une démolition volontaire qui fait partie intégrante de son processus créatif. Contrairement à Dialogue avec l’histoire, détruit par la Ville de Québec en 2015, contre sa volonté cette fois.