Presse, Septembre 2016
Photo © Sébastien Veronese
L’artiste suisse s’installe dans l’espace créé par Le Corbusier. La rencontre des deux est magique.
Paris Match. Comment définiriez-vous votre travail ?
Felice Varini. Je suis un artiste peintre qui travaille dans l’espace tridimensionnel. En 1978, j’ai décidé de quitter l’atelier et d’abandonner la toile. J’interviens dans des lieux intérieurs ou extérieurs, parfois même à l’échelle d’un quartier, comme par exemple aux chantiers navals de Saint-Nazaire où j’ai fait une oeuvre sur 1 kilomètre carré. J’utilise des formes simples : carré, rectangle, triangle…
Pourquoi avez-vous quitté l’atelier et abandonné la toile ?
Etudiant en art, j’ai vite compris que je ne ferais rien de nouveau avec la peinture sur toile. Par ailleurs, entre 20 et 26 ans, j’étais acteur et je réalisais aussi les décors. Je me suis familiarisé avec la scénographie, les jeux de lumière, les déplacements dans l’espace. Autant d’éléments que j’ai intégrés dans mon travail. J’ai peint sur les murs trois figures géométriques que l’on ne peut voir, chacune, en entier que d’un seul endroit
Quand avez-vous expérimenté cette manière de peindre ?
Installé à Paris, je vivais dans une enfilade de trois chambres de bonne et, pour la première fois, j’ai peint des figures géométriques qui couraient d’un mur à l’autre, mais que l’on ne pouvait voir que d’un seul point de vue. Mondrian ou Schwitters, avant moi, avaient déjà fait de leurs ateliers des oeuvres d’art total. De plus, en tant que Suisse, j’étais nourri par l’art concret géométrique. A partir de cette première expérience, certains lieux m’ont été proposés.
Vous sentez-vous des affinités avec le street art ?
[Il rit.] Ce n’est pas du tout mon histoire ! Mon travail est antérieur au street art.
Le designer Ora-ïto vous a invité à créer une oeuvre originale sur le toit-terrasse de la Cité radieuse à Marseille, construite par Le Corbusier.
C’est la seule des quatre unités d’habitation de Le Corbusier que je n’avais jamais visitée… Je me suis rendu sur les lieux pour observer les jeux d’ombre et de lumière et la manière dont les volumes architecturaux se détachent ou s’assemblent. J’ai pris de nombreuses photos. A partir de là, j’ai déterminé où je voulais placer mes points de vue.
Au final, qu’avez-vous réalisé ?
J’ai peint sur les murs trois figures géométriques que l’on ne peut voir, chacune, en entier, que d’un seul endroit. Si on fait un pas de côté, toutes les lignes qui les composent éclatent dans tous les sens. Et la façon dont elles se fragmentent fait partie de l’oeuvre. D’habitude, j’utilise les trois couleurs primaires. Mais ici je n’ai gardé que le jaune et le rouge car, le MaMo étant en grande partie à ciel ouvert, le bleu y est déjà très présent !
Journaliste : Elisabeth Couturier