Connaissance des Arts — Felice Varini transforme la Cité radieuse de Marseille

Presse, Juillet 2016
Photos © André Morin

Trois pièces magistrales de Felice Varini habitent tout l’été (et jusqu’au 2 octobre) la terrasse et le gymnase de la Cité radieuse de Marseille. Tout en respectant le bâtiment de Le Corbusier, l’artiste suisse le transforme et même l’enrichit.

Par Guy Boyer

L’anamorphose selon Varini

Né en 1952 à Locarno, en Suisse, Felice Varini a développé un travail basé sur l’anamorphose, la déformation d’une image à l’aide d’un système optique. Il installe des figures géométriques dans l’espace en se jouant des reliefs existants. L’œuvre n’est visible dans la perfection de sa forme qu’à partir d’un seul point de vue.

Varini chez Le Corbusier

Après Xavier Veilhan, Daniel Buren et Dan Graham, le designer Ora-Ito, propriétaire du gymnase de la Cité radieuse à Marseille, a demandé à Felice Varini d’intervenir sur le toit du bâtiment de Le Corbusier. Basées sur une grande diagonale « qui joue avec un ensemble architectural qui n’a pas pris une ride en 64 ans », les trois pièces s’enchaînent les unes aux autres au gré de la déambulation du visiteur de l’extérieur vers l’intérieur.

L’agora de la cité verticale

« Chaque lieu a sa réalité, sa densité, ses fonctions, souligne Felice Varini. Ici, c’est la place d’une cité verticale voulue par Le Corbusier. Un lieu de liens sociaux puisque tous les habitants de la Cité radieuse ont accès à cette terrasse ». Les éléments de l’anamorphose rouge, découpés dans du film autocollant pour ne pas abîmer le bâtiment, viennent épouser les murs ondulés de la cheminée et se recomposent en deux triangles percés.

Jaune et strict

Pour cette anamorphose jaune, Varini est parti de grandes lignes qui se croisent sur la façade du gymnase. On voit bien ici la difficulté de garder la rectitude du trait qui passe sur les arêtes d’un mur, l’arrondi d’une toiture, les huisseries en bois, et qui se raccorde parfaitement avec un autre trait courant sur la tour de la cage d’ascenseur à l’arrière-plan.

Cercles concentriques

« Pour ce volume très simple, j’ai choisi une forme complexe », explique Felice Varini. Ici, des cercles concentriques rouges et jaunes occupent le sol, la mezzanine et le plafond. Il aura fallu trois semaines de travail à l’équipe de Varini pour réaliser les trois anamorphoses. L’ensemble a bénéficié du mécénat de Longchamp pour lequel Varini a illustré un sac blanc en cuir avec le motif de cette œuvre.

Un décor néo-baroque

Lorsque l’on quitte le point de vue parfait de cette anamorphose, on constate la complexité de la réalisation. Pour contrecarrer les déformations optiques, Varini (que l’on voit au milieu de son œuvre) a du élargir ou amincir les traits colorés. On retrouve ici les principes des décors plafonnants baroques choyés par le père Andréa Pozzo pour l’église du Gesu à Rome.